Depuis la loi relative à la liberté de choisir son avenir professionnel adoptée en 2018, toutes les entreprises dotées d’un Comité Social et Économique doivent désigner un référent harcèlement. Cette obligation légale répond à une réalité préoccupante : près de 30% des femmes actives déclarent avoir déjà été confrontées à une situation de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail, et seulement 5 à 10% des cas sont signalés en interne. Face à ce constat, la mise en place efficace de cette fonction devient un enjeu stratégique pour préserver la santé et la sécurité au travail, mais également pour garantir la dignité au travail et prévenir les risques psychosociaux au sein de votre structure.
Les obligations légales et le cadre réglementaire du référent harcèlement
Le cadre juridique impose désormais aux employeurs une responsabilité claire en matière de prévention, de traitement et de sanctions du harcèlement sexuel et des agissements sexistes. L’article 222-33 du Code pénal définit le harcèlement sexuel comme le fait d’imposer à une personne, de manière répétée, des propos ou des conduites à connotation sexuelle qui portent atteinte à sa dignité. Cette infraction est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Au-delà de cette dimension pénale, le Code du travail oblige l’employeur à prévenir ces situations, à les faire cesser immédiatement et à mettre en œuvre des sanctions disciplinaires adaptées. L’absence de dispositif de prévention ou de désignation d’un référent expose l’entreprise à des amendes administratives, à des dommages et intérêts en faveur des victimes, et à une mise en cause devant le conseil des prud’hommes pour manquement à ses obligations.
Les entreprises concernées par la nomination d’un référent harcèlement
Depuis le 1er janvier 2019, toutes les entreprises disposant d’un Comité Social et Économique, quel que soit leur effectif, doivent désigner un referent-harcelement parmi les membres élus du CSE. Ce référent CSE est élu lors d’une réunion plénière par un vote majoritaire parmi les membres titulaires ou suppléants. Son mandat est généralement aligné sur la durée des mandats électifs, soit quatre ans. Dans les entreprises de plus de 250 salariés, la loi Avenir Professionnel 2018 impose en complément la désignation d’un second référent harcèlement par l’employeur, choisi parmi les salariés. Ce référent entreprise doit faire preuve de neutralité et dispose d’une mission élargie incluant la structuration de la politique de prévention, la mise en œuvre d’actions de sensibilisation, la formation des équipes et l’animation de la démarche de prévention primaire, secondaire et tertiaire. L’employeur doit formaliser cette désignation par une lettre de mission et inscrire les coordonnées du référent dans la base de données économiques, sociales et environnementales ainsi que dans le règlement intérieur. L’affichage obligatoire des coordonnées du référent doit être réalisé conformément à l’article L. 1153-5 du Code du travail, afin que l’ensemble des salariés, stagiaires et candidats puissent identifier et contacter facilement cette ressource interne.
Les missions et responsabilités définies par la loi
Le référent harcèlement occupe une place centrale dans la stratégie de prévention des risques psychosociaux et de promotion de la qualité de vie et conditions de travail. Sa mission principale consiste à orienter, informer et accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Concrètement, il assure un rôle de premier point d’écoute pour les victimes, veille à leur orientation vers les ressources internes ou externes appropriées, et participe à la mise en œuvre de procédures internes de signalement et de traitement des situations de harcèlement. Il ne mène pas lui-même les enquêtes internes, cette responsabilité incombant à l’employeur ou à une délégation d’enquête spécifique, et il ne prend aucune décision en matière de sanction disciplinaire. En revanche, il intervient dans l’alerte et l’accompagnement des victimes, et contribue activement à la sensibilisation des équipes. Le référent CSE, en sa qualité d’élu, peut recevoir directement des alertes de la part des salariés et participer aux enquêtes menées par le CSE dans le cadre de ses attributions en santé et sécurité au travail. Le référent entreprise, quant à lui, assure le pilotage opérationnel de la prévention en élaborant des actions de formation, en diffusant des supports de communication, en organisant des ateliers de sensibilisation et en veillant à la conformité des dispositifs avec le DUERP et le règlement intérieur. Cette collaboration entre les deux référents est essentielle pour garantir une prévention efficace, articulée autour des trois niveaux de prévention : la suppression des risques à la source, la réduction des facteurs de risques identifiés, et la réparation des conséquences pour les victimes.
La sélection et la formation du référent harcèlement
Choisir la bonne personne pour exercer la fonction de référent harcèlement constitue un enjeu stratégique pour la réussite du dispositif. La sélection repose sur des critères humains, techniques et organisationnels qui garantissent la légitimité, la neutralité et l’efficacité du référent dans l’exercice de ses missions. Une fois désigné, le référent doit impérativement bénéficier d’une formation adaptée pour acquérir les compétences nécessaires à l’écoute active, à l’orientation des salariés, à la conduite d’actions de prévention et à la gestion des situations complexes. Cette formation obligatoire pour le référent CSE, prévue par l’article L. 2315-18 du Code du travail, doit être prise en charge par l’employeur. Bien que la loi ne l’exige pas formellement pour le référent entreprise, il est fortement recommandé de lui proposer également une formation certifiée afin de garantir la cohérence et la qualité du dispositif global de prévention.

Les qualités et compétences requises pour ce rôle
Le référent harcèlement doit posséder des qualités humaines indispensables à l’exercice de sa fonction. L’écoute active constitue la compétence première : il doit être capable de recevoir la parole des victimes avec bienveillance, sans jugement, et en garantissant la confidentialité des échanges. La neutralité et l’impartialité sont également essentielles, en particulier pour le référent désigné par l’employeur, afin d’éviter tout conflit d’intérêts et de préserver la confiance des salariés. Une bonne connaissance du cadre légal, des obligations de l’employeur et des recours disponibles pour les victimes est indispensable. Le référent doit maîtriser les notions de harcèlement sexuel, de harcèlement moral, d’agissements sexistes et de discrimination, ainsi que les dispositifs de protection prévus par le Code du travail et le Code pénal. Il doit également être en mesure d’identifier les situations de risques psychosociaux et de repérer les signaux faibles avant qu’une situation ne dégénère. Sur le plan organisationnel, le référent doit disposer du temps nécessaire pour exercer sa mission, être accessible aux salariés et disposer d’outils adaptés tels qu’une boîte mail dédiée et un guide interne précisant les contacts utiles, la procédure de signalement et les étapes de traitement des situations. Enfin, il doit être capable de collaborer avec les autres acteurs de la prévention au sein de l’entreprise, notamment les membres du CSE, les responsables des ressources humaines, le médecin du travail, et les intervenants externes tels que le Défenseur des droits ou les services d’aide aux victimes.
Les formations indispensables pour exercer cette fonction
La formation du référent harcèlement doit couvrir plusieurs dimensions pour garantir l’efficacité du dispositif. Elle doit aborder en priorité le cadre légal et réglementaire, en détaillant les articles du Code du travail et du Code pénal relatifs au harcèlement sexuel, aux agissements sexistes et à la responsabilité de l’employeur. Elle doit également permettre d’acquérir des méthodes de repérage des situations de harcèlement, en travaillant sur des cas pratiques et des mises en situation réalistes. L’apprentissage de la posture d’écoute, de l’accompagnement des victimes et de l’orientation vers les ressources internes ou externes constitue un autre volet essentiel. Les formations doivent également traiter des procédures internes de traitement des signalements, de la conduite des auditions dans le cadre d’une enquête interne, et de la gestion des situations conflictuelles. Plusieurs organismes spécialisés proposent des formations certifiées d’une à deux journées selon l’étendue de la mission du référent. Les formations d’une journée se concentrent généralement sur le référent harcèlement sexuel et agissements sexistes, tandis que les formations de deux jours incluent également le harcèlement moral et les risques psychosociaux. Ces formations peuvent être dispensées en intra-entreprise pour permettre une adaptation aux spécificités de la structure et favoriser les échanges entre les participants. L’employeur doit non seulement financer la formation initiale, mais également prévoir des sessions de mise à jour régulières pour tenir compte des évolutions législatives, jurisprudentielles et des bonnes pratiques en matière de prévention. Les référents formés disposent ainsi des outils concrets pour structurer leur action, mettre en œuvre une procédure de traitement des signalements, accompagner les victimes tout en respectant leur dignité, et contribuer activement à l’instauration d’un climat de travail sain, respectueux de l’égalité professionnelle et du bien-être au travail.

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